Kaeru dera, le temple des grenouilles à Fukuoka
Kaeru dera (de son vrai nom Nyoirin-ji) est un petit temple bouddhiste situé à Ogori, dans le sud de la préfecture de Fukuoka. Ce lieu inspirant, peuplé d’une impressionnante collection de statues et statuettes de grenouilles, fait partie de mes coups de coeur au Japon.
Curieusement, c’est la première fois que je vous parle de Fukuoka sur Passeport Japon, alors que j’y ai passé près d’une semaine en 2017 et vu énormément de choses. Il est temps de réparer cette injustice, et de repartir pour la région du Kyushu où nous passerons une bonne partie de l’automne. J’ai tellement de lieux à vous faire découvrir !
Fukuoka est une préfecture très riche et attachante, où il fait bon vivre . Elle brille non seulement par le dynamisme de sa capitale Fukuoka-shi, mais aussi par la charme de sa campagne, et la variété de ses spécialités culinaires. J’aime beaucoup Fukuoka et j’espère que mes articles lui rendront justice. À cet égard, Kaeru dera est une escale vraiment insolite, qui reflète bien l’atmosphère douce et la fraîcheur que j’ai ressenti là-bas.
Kaeru dera, un temple insolite et kawaii
S’il est relativement méconnu des visiteurs occidentaux, le temple Nyoirin-ji est assez réputé sur Instagram. Il faut dire que l’endroit est incroyablement mignon et photogénique! Je m’y suis arrêtée sur le trajet d’une excursion à Yanagawa, dans le sud de la préfecture de Fukuoka. L’accès est assez facile: depuis la gare Nishitetsu Fukuoka à Tenjin, il suffit de prendre la ligne Nishi-Nippon Railroad (compagnie Nishitetsu) jusqu’à la gare de Mikunigaoka (environ 28 minutes de trajet). De là, il ne reste plus qu’à marcher 20 minutes au coeur d’un calme quartier résidentiel pour rejoindre le temple.
La petite histoire de Kaeru dera
Fondé en 729, le temple Nyoirin-ji n’a pas toujours été un spot kawaii. À l’origine, c’était même un temple très conventionnel, qui conserve en son sein une statue de la divinité Nyoirin Kannon, désignée Bien culturel de la préfecture de Fukuoka. Sa transformation en « temple des grenouilles » est relativement récente. Elle s’est faite sous l’impulsion du jûshoku (le supérieur du temple), qui souhaitait sensibiliser la jeunesse au bouddhisme. Rien de tel qu’une touche de kawaii pour attirer l’attention des enfants !
De fait, Kaeru dera est aujourd’hui un lieu très apprécié des familles. La découverte des grenouilles cachées un peu partout dans l’enceinte du temple se prête en effet à toutes sortes d’activités ludiques. On se surprend à scruter les moindres détails de ces statues de tous styles et de toutes tailles. Et on prend mille photos insolites, pour le plaisir d’immortaliser ce décor improbable, tantôt inspirant, tantôt kitsch.
Un spot d’exception au fil des saisons
Kaeru dera a aussi la particularité d’être un spot très attractif tout au long de l’année. En juin, on profite de la saison des pluies pour venir admirer les hortensias qui peuplent les allées du temple. Et on profite, de début juin à mi-septembre, du festival des fûrin, durant lequel des milliers de petites clochettes sont accrochées par les visiteurs, en échange d’un voeu.
Enfin, en novembre, l’endroit est très réputé pour ses nombreux érables rouges, les fameux momiji. C’est justement à cette période de l’année que je m’y suis rendue, en plein pic de coloration des feuilles. Et c’était magnifique.
Un peu comme le temple Mitaki dera à Hiroshima, Kaeru dera est un lieu qui se prête volontiers au momijigari, la contemplation des feuilles d’automne. Mais le contraste entre ces deux lieux est, il faut bien l’avouer, assez saisissant! Loin de l’austérité habituelle des temples bouddhistes, Kaeru dera offre un décor foisonnant, joyeux, décalé, qui reste malgré tout profondément empreint de spiritualité.
Finalement, on pourrait considérer ce lieu comme un parfait exemple du fameux « paradoxe japonais », celui d’un archipel coincé quelque part « entre tradition et modernité ».
Kaeru dera sous les momiji
Ce matin-là, il est environ 10h lorsque j’arrive à Ogori. J’ai de la chance: la météo est de mon côté. Une agréable brise souffle sur le quartier résidentiel de Mikunigaoka, peuplé de petites maisons toutes semblables, parfaitement alignées. Après 20 minutes de marche dans ces ruelles proprettes, à peine dérangée par le bruit des tondeuses à gazon, me voilà face à l’entrée ouest du temple Nyoirin-ji.
Grenouilles et feuilles d’érables par milliers
D’emblée, l’endroit me fait sourire. L’allée, qui longe le mur d’enceinte, est déjà bordée de dizaines de statues de grenouilles, de toutes tailles et de tous styles. Tantôt kawaii, tantôt réalistes, ces batraciens me donnent l’impression de pénétrer dans un joyeux bric-à-brac à ciel ouvert.
La balade se poursuit à l’ombre des érables, mais je n’éprouve pas vraiment l’envie de méditer sur l’éphémère beauté de la vie. Car, à chaque détour du sentier, mon regard est irrésistiblement aimanté… Ici, par une grenouille en céramique nichée parmi les racines… Là, par le profil rebondi de Kumamon, l’ours noir, mascotte de Kumamoto.
Plus loin, une énorme statue de pierre attire mon attention. Elle a la forme d’une grenouille toute ronde, avec en son centre un trou assez grand pour qu’un adulte de corpulence moyenne s’y faufile… ce que je m’empresse de faire évidemment! Bonne idée, puisque, comme le panneau l’indique, « quiconque passe dans ce trou sera heureux dans la vie ».
Le bâtiment principal (honden) se situe un peu plus loin en contrebas. Sur son parvis de pierre, c’est un festival: des grenouilles, encore et toujours, partout partout partout! L’ambiance est bon enfant. Je croise quelques collégiennes en uniforme qui gloussent en prenant des photos, et un salaryman plongé dans sa méditation quotidienne.
En effet, malgré ce décor insolite, Kaeru dera n’a pas perdu sa vocation de lieu de spiritualité. On y croise un peu partout des omikuji, ces prédictions nouées aux branches pour conjurer le mauvais sort. Quant aux ema (plaques votives), ils sont évidemment à l’effigie de la grenouille, animal qui symbolise à la fois la persévérance et l’humilité, deux valeurs très chères au bouddhisme.
Kaeru no ie, la « maison des grenouilles »
Clou de la visite de Kaeru dera, la maison des grenouilles est un petit pavillon situé à droite du honden, qui expose une grande partie de la collection de grenouilles du temple. On y croise les spécimen les plus fragiles, par exemple des petites pièces en céramiques, des peluches, des figurines en chirimen… Sans oublier de nombreuses grenouilles en plastique ou en papier, qui donnent à l’ensemble un caractère très hétéroclite, pour ne pas dire carrément kitsch.
Si vous le visitez un jour, ne manquez pas de lever le nez en l’air pour admirer les magnifiques boiseries du plafond, peintes avec une élégance qui contraste furieusement avec le reste du décor. C’est dans ce lieu vraiment insolite que j’ai eu la chance de croiser le jûshoku du temple…
楽しく仲良く〜
J’ignore s’il s’agit du grand prêtre à l’origine de la métamorphose de Nyoirin-ji en « temple des grenouilles », mais cet homme a été pour moi une superbe rencontre. Nous avons échangé un moment sur la France, où il m’a confié avoir déjà voyagé. Il semblait d’ailleurs très surpris de croiser une touriste française à Ogori (c’était en 2017, j’imagine que ce n’est plus forcément le cas aujourd’hui). Nous avons tellement sympathisé qu’il m’a offert une plaque en bois portant un message calligraphié, un goshuin supplémentaire… et un bonbon.
Cette plaque, appelée jûshoku no sho, porte un message calligraphié par le prêtre lui-même. On en croise un peu partout dans l’enceinte du temple, véhiculant des conseils ou petits messages positifs et inspirants. Une jolie manière de transmettre les valeurs du bouddhisme aux plus jeunes! Sur cette plaque que je conserve encore précieusement, sont écrits les mots tanoshiku nakayoku (楽しく仲良く, litt. « s’amuser et s’entendre »). J’aime beaucoup ce message plein de joie et de sagesse, qui, finalement, correspond parfaitement à l’image que je garderai de Kaeru dera, l’adorable temple des grenouilles de Fukuoka.
2 commentaires
Yoyo
Oh ouiiii! J’adore ce temple, je rêve d’y aller!
Je le connaissais déjà grâce à Béné… je veux absolument y aller! Surtout si on a des bonbons… x) D’ailleurs, le Jûshoku parlait Français ou Anglais? Ou tu as réussi à discuter en japonais avec lui?
セシリャCéci
Aha les bonbons ne sont pas garantis, mais c’était vraiment une rencontre sympa. Le jûshoku parlait un bon anglais 🙂 Si tu passes par là, c’est un endroit qui devrait te plaire effectivement 😉