L’authentique quartier des potiers de Tokoname

Sakaemachi, le quartier des potiers de Tokoname, est l’une des plus anciennes et prestigieuses destinations à découvrir au Japon pour les amateurs d’artisanat. Situé au sud-est de la gare de Tokoname, ce quartier historique est en effet l’un des six plus anciens fours à céramique du Japon. Je vous emmène à la découverte de ce lieu plein de charme, qui brille par son savoir-faire et son atmosphère unique.

Située au sud de la région d’Owari, dans la péninsule de Chita, la ville de Tokoname n’est, pour beaucoup de voyageurs, qu’un simple lieu de passage. On y trouve en effet l’aéroport international du Chubu (Centrair), l’un des quatre grands aéroports internationaux de l’archipel.

Vous le savez peut-être si vous lisez régulièrement mes récits de voyage au Japon : j’aime explorer des destinations qui ont une âme, une histoire. Et Tokoname fait incontestablement partie de cette catégorie. Au cœur de la préfecture d’Aichi réputée pour son esprit créatif et entrepreneurial, la « cité rouge » fait en effet partie des trésors du patrimoine local. J’ai découvert ce lieu en mai 2023, en compagnie de Julie, guide spécialiste de l’artisanat traditionnel japonais.

Promenade dans la cité de la céramique

Avec sa teneur élevée en fer, l’argile de Tokoname possède une couleur brique aisément identifiable. L’histoire de la céramique locale, appelée Tokoname-yaki remonte au XI^e siècle.

Tokoyame, l’un des six plus anciens fours à céramique du Japon

Déjà à la fin de l’époque Heian (794-1185), la péninsule de Chita est peuplée de nombreux fours, dont l’usage fait partie du quotidien. Les artisans locaux se spécialisent alors dans la fabrication de pots à bonsai et d’ustensiles à thé, notamment les théières. Ce savoir-faire s’est maintenu jusqu’à nos jours, en parallèle d’une activité industrielle tournée vers des pièces plus utilitaires. En effet, après la Restauration de Meiji, la production s’industrialise et Tokoname se tourne vers la fabrication de tuyaux d’évacuation et de bouteilles de shochu (alcool distillé). La très photogénique allée Dokan Zaka, qui recycle ces objets comme matériaux de construction, offre un beau témoignage de cette époque.

Aujourd’hui encore, Tokoname est connue à travers le Japon pour ses céramiques fines et de qualité. Son quartier des potiers possède une ambiance unique, qu’on peut qualifier de boroboro, une onomatopée japonaise qualifiant les choses un peu délabrées, défraîchies. Et c’est justement cet aspect authentique, « dans son jus », qui fait tout le charme des lieux.

Le long du sentier des potiers

Le sentier des potiers est une boucle de 1,6km à 4km qui démarre au niveau du Tokoname Ceramic Hall. L’itinéraire le plus court (1,6km) se contente d’arpenter les ruelles d’une petite colline peuplée de cheminées et de fours en brique. Il croise l’allée Dokan Zaka et quantité d’ateliers d’artisans.

L’itinéraire long (4km) mène quant à lui jusqu’aux musées INAX, un passionnant complexe muséal regroupant six espaces dédiés à la céramique. Ici se trouve notamment l’INAX Tile museum exposant plus de 7000 carreaux décorés venus du monde entier. Je n’ai malheureusement pas eu l’occasion de visiter ce musée lors de mon passage.

J’ai vraiment adoré ma déambulation le long des ruelles pavées du sentier de la poterie. L’endroit dégage une atmosphère unique, à la fois industrielle et rétro. Son charme réside dans de petits détails. Un grand arbre poussant à l’intérieur d’une vieille cheminée par exemple, ou un four à céramique délabré servant de décor à une terrasse de café.

Rencontre avec Tokonyan

En suivant le sentier pour se diriger vers la gare Meitetsu Tokoname, on peut faire une autre rencontre, celle de Tokonyan. Haute de 3,8m et large de 6,3m, son énorme tête surplombe Tokoname Manekineko Street, une avenue décorée de 39 statues de chats réalisées par des artistes.

Tokoname est la première ville productrice de maneki neko au Japon, l’entreprise Umetsuki Tomimoto ningyô-en représentant environ 80% du marché national. Fondée il y a 75 ans, celle-ci fabrique et commercialise ses créations depuis les années 1940. Ces dernières sont reconnaissables à leurs grands yeux, et sont toutes peintes à la main. Il en existe des dizaines de variantes.

Si le sujet vous intéresse, j’ai déjà parlé des origines légendaires du maneki neko dans deux précédents articles dédiés au sanctuaire Imado-jinja et au temple Gotoku-ji. La figure du chat porte-bonheur n’est en effet pas originaire de la préfecture d’Aichi, mais de Tokyo.

L’atelier Tokoname Issei-Touen

La renommée de la céramique Tokoyame-yaki repose sur le savoir-faire de générations d’artisans potiers, dont le travail est officiellement protégé depuis 2007. Lors de ma visite, j’ai participé à un atelier avec l’un de ces artisans, Yagi Takayuki. Celui-ci est le maître actuel du four à céramique Issei-Touen, une entreprise connue avant-guerre sous le nom de Kojiyaki Touen. L’atelier se situe à une quinzaine de minutes à pied de la gare de Tokoname, au cœur du quartier historique où officient les plus talentueux potiers de la ville… dont Yagi Takayuki fait incontestablement partie.

Dans l’antre du potier

C’est par l’intermédiaire de Julie que j’ai participé à cette activité passionnante. À travers son projet Secrets d’artisans, elle invite les voyageurs curieux à venir à la rencontre de créateurs autour de la région de Nagoya.

Yagi Takayuki a étudié à Barcelone, et parle même un peu français. Il travaille au sein d’un atelier aménagé en 2015 dans une ancienne usine de pipes en terre cuite. Ce bel espace créatif, dans le plus pur style japonais, est à la fois inspirant et très chaleureux. L’endroit est aussi (et surtout !) un joyeux bric-à-brac où on sent pleinement l’âme de l’artisan s’exprimer. J’ai passé un excellent moment à échanger avec ce dernier, et à découvrir ses créations d’une grande finesse et légèreté. 

L’échoppe Tokoname Issei-Touen propose différents styles de céramiques, allant du plus traditionnel au plus original. Yagi Takayuki puise notamment son inspiration dans ses voyages en Europe, explorant des palettes de couleur chaleureuses pour réaliser ses pièces les plus personnelles. Mais il maîtrise également à la perfection les styles plus classiques, comme le Vieux Tokoname qui exploite ou s’inspire des techniques de cuisson développées durant l’époque Heian. Ses théières munies de poignées sont à la fois sobres, élégantes et durables.

Le style Yakishime est quant à lui plus rustique. Il correspond aux céramiques brutes, c’est-à-dire sans glaçage, cuites à très haute température. Celles-ci sont réputées pour leur texture légèrement poreuse, qui sublime le goût du thé.

Pour le glaçage, l’atelier utilise une formule ancienne à base de cendres d’écorce de châtaignier et de feldspath. La gamme de couleurs est très large, ce qui offre de nombreuses possibilités de personnalisation lors des ateliers. C’est cependant l’artisan qui réalise cette étape. Lors de l’initiation, le visiteur participe uniquement au façonnage de la poterie. Celle-ci est expédiée par la poste quelques mois plus tard, après cuisson et émaillage.

Le pétrissage, style « signature » de l’atelier

L’une des techniques les plus emblématiques de l’atelier est le pétrissage, qui consiste à mélanger des argiles de différentes couleurs pour obtenir un motif unique. Celui-ci prend forme sous l’effet de la rotation sur le tour de potier. Il évoque un peu l’aspect du marbre, voire du bois selon les pièces.

Notez par ailleurs que Tokoname accueille chaque été, aux alentours du 15 août, un important festival de la poterie. Si vous êtes dans les parages, cet événement vous donnera l’occasion de dénicher quelques belles pièces d’artisanat. Ne le manquez pas.

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Se rendre à Tokoname