Kagawa

Naoshima, l’île des arts en mer intérieure de Seto

L’histoire de Naoshima, c’est celle d’une petite île touchée par la désertification à la fin des années 1980. Le maire de l’île décide alors de s’associer à l’entreprise Benesse pour lancer un projet de colonie de vacances à but éducatif, afin de revitaliser la région. C’est l’architecte Tadao Ando qui est en charge du projet, et le centre est inauguré en 1989. Un an plus tard apparaît sur l’île une toute première œuvre d’art contemporain, « Grenouille et chat » du sculpteur néerlandais Karel Appel. Cette dernière est toujours visible aujourd’hui, aux abords de l’hôtel Benesse House Beach.

Le projet trouve sa vocation définitive en 1992, avec l’inauguration de Benesse House, un complexe muséal et hôtelier né de l’imagination de Tadao Ando. Depuis, Naoshima s’est transformée en un vaste terrain de jeu pour les artistes contemporains du monde entier. Les paysages de l’île servent d’écrin à leurs œuvres, la plupart créées dans le cadre de la Triennale de Setouchi, qui investit tous les trois ans les îles de la mer intérieure de Seto.

J’ai exploré Naoshima à l’occasion de mon tout premier voyage à Shikoku, en avril 2024. Et bien que je ne sois pas passionnée d’art contemporain, l’endroit m’a séduit par sa beauté et son originalité. Je vous partage mes impressions.

POUR ALLER PLUS LOIN

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Il ne faut guère plus de 30 à 50 minutes en ferry (selon que vous preniez le high speed boat ou le ferry classique) pour rejoindre l’île de Naoshima depuis Takamatsu. Inutile de réserver : les billets s’achètent directement à la billetterie de l’embarcadère, à partir de 40 minutes avant le départ. Comptez 520 à 1220¥ la traversée. Il est également possible de se rendre sur place depuis le port d’Uno à Okayama. Le débarquement se fait au port de Miyanoura, tout près de la Red Pumpkin de Yayoi Kusama qui donne le ton de la visite. Nous voilà bien à Naoshima, véritable musée à ciel ouvert où chaque exploration promet son lot de surprises.

Comment se déplacer à Naoshima ?

À Naoshima, on circule principalement en bus, la ligne locale reliant le port de Miyanoura à Tsutsuji-so, avec un seul arrêt au village de Honmura. Le trajet coûte 100¥ (50¥ pour les enfants). À partir de Tsutsuji-so démarre la zone des musées, qui se visite à pied ou via une navette gratuite. Cette dernière relie la Yellow Pumpkin au musée d’art Chichu, avec un arrêt à la Galerie Hiroshi Sugimoto, à Benesse House et au musée Lee Ufan. Les visiteurs séjournant à Benesse House bénéficient par ailleurs d’un service spécifique de navettes gratuites. Des vélos et motos de location sont également à disposition sur l’île, du côté du port de Miyanoura et du village de Honmura.

Pour ma part, j’ai alterné entre bus et marche à pied tout au long de ma journée de visite, car je souhaitais prendre le temps de découvrir les paysages côtiers du parc national Seto Naikai. L’île de Naoshima regorge en effet de petites criques et de plages sauvages offrant une vue remarquable sur la mer intérieure de Seto. Si vous prévoyez de marcher vous aussi, pensez à amener une crème solaire et un chapeau avec vous, car la promenade offre assez peu d’espaces ombragés.

Le paradis du land art

L’identité singulière de Naoshima réside dans le lien étroit unissant art, architecture et nature. L’île sert en effet d’écrin à de nombreuses créations disséminées dans un bel environnement sauvage et préservé, entre terre, mer et ciel. La sérénité des lieux participe largement à l’immersion. Rien de tel en effet que le son des vagues ou le bruissement du vent dans les feuillages pour se laisser aller à la réflexion face à une œuvre intrigante croisée au détour d’un sentier. C’est justement toute la beauté du mouvement land art : voir l’art s’affranchir des limites d’une salle d’exposition pour s’inviter dans la nature, interrogeant au passage notre vision du monde et notre sensibilité artistique.

Personnellement, j’ai un faible pour le land art. J’aime la manière dont formes, textures et matières dialoguent avec le paysage environnant, et le fait que chaque œuvre puisse être observée sous différentes perspectives. Par-dessus tout, j’apprécie l’aspect ludique de l’expérience, et le fait d’être surprise à chaque découverte.

Une création croisée sur l’île ne m’a pas du tout surprise toutefois. Yellow Pumpkin, de Yayoi Kusama, est en effet l’œuvre la plus iconique de Naoshima. Cette énorme citrouille jaune à pois noirs se situe à deux pas de l’arrêt de bus Tsutsuji-so, à l’extrémité d’un petit ponton de pierre. Il s’agit évidemment de l’attraction phare de l’île, présente sur la plupart des produits dérivés vendus (extrêmement cher !) dans les boutiques de souvenirs locales.

Installée sur place en 1994, la citrouille jaune a été emportée par un typhon en août 2021. Elle a depuis été restaurée et trône de nouveau à son emplacement d’origine. J’ai été très émue de pouvoir l’admirer, car j’adore le travail coloré et avant-gardiste de Yayoi Kusama.

Naoshima regorge d’étonnants musées et de belles installations artistiques invitant à la rêverie. La plupart de ces lieux peuvent se visiter librement. La réservation est cependant indispensable pour Hiroshi Sugimoto Gallery: Time Corridors, le musée d’art Chichu et la maison Kinza du Art House Project.

Hiroshi Sugimoto Gallery: Time Corridors

Cette lumineuse galerie d’exposition se situe sur les collines dominant l’hôtel Benesse House Beach. Elle offre une vue imprenable sur la mer et le jardin peuplé de sculptures colorées marquant l’entrée du quartier des musées. Le site témoigne du riche travail de l’artiste Hiroshi Sugimoto et fait le lien avec son œuvre maîtresse, l’observatoire d’Enoura situé à Odawara (préfecture de Kanagawa). La création la plus célèbre de la galerie est l’élégant pavillon de thé en verre « Mondrian », posé au centre d’un plan d’eau.

Benesse House

Le complexe muséal et hôtelier Benesse House est le centre névralgique de Naoshima. Il a été conçu par l’architecte Tadao Ando en 1992 dans un style minimaliste, et offre de splendides perspectives sur la nature environnante. Il est possible de séjourner à Benesse House, le site comportant divers hébergements, un spa, ainsi que plusieurs espaces de restauration.

Le musée en lui-même est un édifice labyrinthique au design épuré, doté de nombreuses salles d’exposition inondées de lumière. On y croise notamment des œuvres de Richard Long, Yukinori Yanagi, Jannis Kounellis ou encore Alberto Giacometti. Celles-ci prennent la forme de sculptures, peintures ou photographies, permanentes ou éphémères. Un sympathique restaurant se situe dans l’enceinte même du musée, où l’on peut déjeuner ou boire une tasse de thé en admirant la vue sur la mer intérieure de Seto.

Une zone d’exposition en plein air appelée Valley Gallery complète à merveille cet ensemble. Située à proximité du musée Lee Ufan, sa visite est incluse dans le prix du billet pour Benesse House museum. On y trouve deux œuvres majeures : le jardin de Narcisse de Yayoi Kusama et Slag Buddha 88 de Tsuyoshi Ozawa.

Musée Lee Ufan

Consacré à l’artiste coréen éponyme, ce musée est une nouvelle fois le fruit d’une collaboration avec Tadao Ando. On y retrouve l’esthétique épurée de l’architecte, cette dernière répondant parfaitement au minimalisme qui caractérise le travail de Lee Ufan. Je n’ai malheureusement pas eu le temps de visiter l’intérieur du musée, mais je me suis promenée dans les alentours, tout particulièrement du côté de l’Infinity Gate. Installée en 2019, cette monumentale arche de métal souligne avec élégance la splendide vue sur la mer.

Musée d’art Chichu

Création de Tadao Ando, le Chichu Art Museum est un édifice partiellement enterré, inauguré en 2004. Il est impératif de réserver un créneau pour s’y rendre, car le bâtiment en lui-même constitue une véritable œuvre d’art, dont la visite nécessite un minimum de sérénité. Le musée abrite par ailleurs quelques œuvres permanentes de Claude Monet, James Turrell, et surtout Walter De Maria. Les photos sont interdites dans son enceinte.

Art House Project et Ando Museum

À Naoshima, l’art s’invite partout et le village de Honmura n’est pas en reste. Plusieurs maisons traditionnelles, un ancien temple et un sanctuaire des environs ont ainsi été transformés pour accueillir des installations artistiques, dans le cadre de l’Art House Project. Cette fois, l’art ne dialogue pas avec la nature, mais avec le passé, donnant au patrimoine local une nouvelle dimension.

Les six principaux bâtiments de l’Art House Project (Kadoya, Ishibashi, Gokaisho, Haisha, Go’o Shrine et Minamidera) sont accessibles via un billet unique, vendu sur place au prix de 1400¥ (1200¥ si vous réservez en ligne). Ce billet est rentable à partir de trois maisons visitées, le tarif de chaque visite étant normalement de 700¥ (600¥ en ligne). Notez que l’entrée est totalement gratuite pour les enfants de moins de 15 ans. La septième maison, Kinza, n’accueille qu’une personne à la fois, et ne peut donc être visitée que sur rendez-vous.

Je n’ai exploré que trois sites de l’Art House Project lors de mon passage à Naoshima : Kadoya, Gokaisho et Minamidera. Je pense qu’il vaut mieux ne pas trop vous en dévoiler, car l’intérêt de la visite réside aussi dans la surprise, en particulier dans le cas de Minamidera. L’ancien temple, remplacé par une structure conçue par Tadao Ando (encore lui !) propose en effet une expérience sensorielle assez déroutante. Le village de Honmura abrite par ailleurs un musée dédié à l’œuvre du célèbre architecte, sobrement baptisé Ando Museum.

I♥︎湯

Dernière escale de notre périple, le bain public I♥︎湯 (à prononcer « I love yu », litt. « j’aime les sources chaudes ») est un excellent endroit pour finir la journée à Naoshima. Il se situe au niveau du port de Miyanoura, à quelques minutes à pied de l’embarcadère. Son décor coloré a été conçu en 2009 par l’artiste Shinro Ohtake.

J’y ai passé un très agréable moment, et je vous recommande vivement de prévoir un peu de temps avant le trajet retour pour vous délasser dans ce lieu. Vous pourrez ainsi admirer les belles mosaïques ornant le fond des bassins. Ou vous laisser surprendre par la grande statue d’éléphant dominant la salle d’eau. Tout l’espace baigne dans une lumière naturelle apaisante, grâce à la présence d’une grande verrière colorée. L’entrée du sento de Naoshima coûte 660¥ par adulte (310¥ par enfant).

En conclusion

L’île de Naoshima est une destination très riche et intrigante, que je vous recommande évidemment d’explorer lors de votre séjour à Takamatsu. L’endroit brille autant par la beauté de son environnement que par son aura culturelle. On peut donc l’apprécier sans être passionné d’art contemporain. Je trouve, de plus, son histoire remarquablement inspirante.

Si vous en avez l’occasion, ne manquez pas d’y faire un saut dans le cadre de la Triennale de Setouchi. Cet événement est en effet l’un des plus prestigieux rendez-vous dédié à l’art contemporain au Japon. À vos agendas : les prochaines éditions auront lieu en 2025 et 2028.


  • Ferry Shikoku Kisen vers le port de Miyanoura depuis Takamatsu (de 30 à 50 minutes), Uno (environ 20 minutes), Ieura ou Inujima
  • High speed boat Teshima Ferry vers le port de Honmura depuis Takamatsu (environ 35 minutes)

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