Les gorges de Takachiho

Explorer les gorges de Takachiho

Façonnées par la rivière Gokase à travers des couches de lave solidifiée issue d’une ancienne éruption du mont Aso, les gorges de Takachiho sont spectaculaires. On peut y admirer des orgues basaltiques atteignant par endroits les 100 m, ainsi que de belles chutes d’eau, dont la plus impressionnante est la cascade de Manai, haute de 17 m. Figurant dans la sélection des 100 plus belles cascades du Japon, celle-ci peut-être admirée depuis la plateforme d’observation située sur le sentier longeant les gorges, mais aussi dans le cadre d’une virée en barque. Cette expérience invite à se laisser porter par le courant, tout en admirant les hautes falaises qui se dressent de part et d’autre de la rivière vert émeraude. Ce sont principalement des couples et des familles qui pagayaient joyeusement le jour de mon passage.

Long d’environ 1 km, le sentier des gorges permet quant à lui de profiter du spectacle depuis les hauteurs, en arpentant un joli chemin bordé d’érables et de cèdres offrant une vue plongeante sur la rivière en contrebas. À mi-chemin de la promenade, un énorme rocher de près de 200 tonnes orné d’une corde rituelle se dresse sur la berge rocailleuse. Baptisé Kihachi no Chikaraishi, ce rocher aurait été lancé par Kihachi, une divinité maléfique qui, d’après la légende, faisait autrefois des ravages dans la région de Takachiho. Vaincu par le kami Mikeiri no Mikoto, son corps fut démembré et enterré sous trois monticules disséminés à travers la ville. Plus loin, un étonnant spot d’observation permet de photographier en même temps trois ponts en arc de styles différents surplombant la rivière.

Le restaurant Nagashi somen Chiho-no-ie

Depuis le village, l’accès aux gorges de Takachiho est gratuit. Il se fait en descendant une route sinueuse et pentue qui mène à une petite aire de shopping et de restauration. Celle-ci marque l’entrée du sentier de promenade, et abrite plusieurs boutiques de souvenirs, ainsi qu’un restaurant de nagashi somen.

Fondé en 1955, Nagashi Somen Chiho-no-ie est une excellente adresse pour faire l’expérience de ce mets typique de l’été japonais. J’avais déjà testé un repas similaire du côté de la cascade d’Amidagataki à Gujo Hachiman. Mais cette fois, pas de bassin en pierre : les nouilles glissaient dans d’étroites rigoles en bambou constamment alimentées en eau fraîche.

Si vous passez dans les parages, n’hésitez pas à tester le menu complet, incluant poisson grillé, onigiri au miso et légumes sauvages. L’ensemble coûte seulement 1500¥. Pour les plus gourmands, un comptoir propose également des dango.

La grotte d’Amaterasu

À environ 15 minutes en bus ou en voiture, le sanctuaire Ama-no-Iwato et ses grottes mystérieuses sont un autre trésor à ne pas manquer lors de votre visite de Takachiho. Cet endroit m’a particulièrement marqué, car je l’ai découvert en compagnie de mon ami Olivier de Japan Kudasai, qui était alors en plein roadtrip sur l’île de Kyushu.

Le sanctuaire Ama-no-Iwato

Le sanctuaire Ama-no-Iwato est le lieu de culte le plus sacré de la région de Takachiho. Son entrée est signalée par une grande statue de la divinité Ame-no-Tajikarao soulevant un lourd rocher (celui obstruant la grotte d’Amaterasu selon la légende).

Niché dans un cadre verdoyant, à proximité d’une belle rivière, le sanctuaire s’illustre par la sobriété de ses pavillons en bois. Il est peuplé de nombreux coqs qui déambulent librement dans ses allées ombragées. En effet, d’après la légende, les dieux auraient fait chanter des coqs pour attirer Amaterasu hors de sa grotte, et ceux-ci sont depuis associés au lever du soleil. Le complexe inclut par ailleurs la mythique grotte d’Amaterasu, inaccessible au public. Cette dernière peut être admirée depuis un point d’observation éloigné, sous la supervision d’un prêtre shinto.

Ama-no-Yasukawara

À l’arrière du sanctuaire, un chemin discret conduit à une autre grotte baptisée Ama-no-Yasukawara. D’après la légende, c’est ici que les kami se seraient réunis afin d’élaborer le stratagème du miroir qui fit sortir la déesse du soleil de sa cachette.

Empreint d’une atmosphère solennelle, l’endroit est envahi de petits monticules de pierre qui témoignent de la dévotion des pèlerins. Bercé par le son du torrent proche et le bruissement du vent dans les feuillages épais, on y ressent comme nulle part ailleurs le lien puissant unissant le shintoïsme aux forces de la nature.

La danse Takachiho kagura

Au-delà des écrits du Kojiki ou de l’exploration des sites sacrés qui jalonnent la région de Takachiho, la transmission des mythes issus de la tradition shintoïste passe par bien d’autres modes d’expression tels que la musique, le chant ou la danse. Le sanctuaire Takachiho-jinja brille ainsi par sa tradition du kagura, une danse rituelle pratiquée localement depuis plus de 800 ans. On retrouve cette dernière dans d’autres régions du Japon, notamment en préfecture de Shimane.

Takachiho-jinja

Niché au coeur d’une forêt de cèdres centenaires, le sanctuaire Takachiho-jinja est un lieu plein de charme qui mérite le détour en journée pour profiter de son atmosphère mystique. Les arbres y sont impressionnants et j’ai particulièrement apprécié l’aspect des ema, inspirés des légendes locales.

L’endroit est aussi très attractif à la nuit tombée. C’est en effet ici, dans une salle située à l’écart du bâtiment principal, qu’ont lieu les représentations de danse kagura qui font la renommée de Takachiho.

La danse Takachiho Yokagura

Le spectacle original de danse Takachiho Yokagura s’articule autour de 33 tableaux reproduisant différents épisodes de la mythologie japonaise. Destinées à attirer la bienveillance des kami et à favoriser les récoltes, les représentations sont particulièrement fréquentes durant les mois d’hiver. De novembre à février, elles s’étalent même sur la nuit entière, de 21h à 6h du matin !

Le reste de l’année, le spectacle ne dure qu’une heure et se concentre sur quatre danses, dont trois inspirées par la légende d’Amaterasu. Les danseurs, portant masques et costumes d’apparat, se déplacent lentement au son des shakuhachi (flûtes en bambou) et des tambours. Ils donnent vie à trois épisodes-clés de la légende :

• Tajikarao découvrant la grotte Ama-no-Iwato
• Uzume dansant pour attirer l’attention de la déesse
• Tajikarao soulevant le rocher obstruant la grotte

La quatrième danse, plus légère, représente une scène d’ivresse et de jalousie entre Izanami et Izanagi. D’après la mythologie shinto, ce couple divin est à l’origine de la création du Japon.

Le kagura n’est pas seulement une performance artistique. C’est une pratique spirituelle profondément enracinée dans la vie de la communauté de Takachiho. Assister à une représentation de kagura à Takachiho est donc une expérience incontournable, que je vous recommande chaudement. Veillez toutefois à réserver votre billet dans le mois précédant la représentation, car le nombre de places est limité.