Okawachiyama, le village de potiers d’Imari
Tous les passionnés de céramique japonaise connaissent Okawachiyama, ce village de potiers niché sur les hauteurs d’Imari. Car Okawachiyama est, avec Arita, l’un des berceaux de la production de porcelaine au Japon. C’est d’ici que proviennent quelques-unes des pièces qui firent la renommée de cet artisanat dans les cours royales d’Europe, du 17e au 19e siècle.
Durant la période Edo (1603-1868), tandis que les frontières du Japon sont fermées aux étrangers, un seul port continue de commercer avec l’Europe : Nagasaki. Située dans la préfecture voisine de Saga, la ville d’Arita concentre la plus grande part de la production japonaise de porcelaine. Sa proximité géographique lui permet d’obtenir l’autorisation du shogun de commercer avec les négociants néerlandais.
EN SAVOIR PLUS
Initiation à la céramique japonaise
Depuis Arita, la porcelaine est donc acheminée vers Nagasaki via le port d’Imari, qui développe petit à petit une activité de production distincte. À cette époque, les porcelaines japonaises sont indifféremment désignées sous le terme « articles d’Imari » en Europe. L’endroit est donc célèbre dans le monde entier.
Okawachiyama, le village caché des fours à porcelaine
Parmi les nombreuses variétés de céramiques produites au Japon, la porcelaine d’Imari figure parmi les plus prisées et les plus qualitatives. Son développement exceptionnel repose sur la découverte à Arita d’un important gisement de kaolin (argile blanche) par le céramiste Ri Sampei. Comme de nombreux artisans coréens, ce dernier est déporté sur l’île de Kyûshû durant la campagne de Corée (1592-1598). La préfecture de Saga accueille un grand nombre de ces immigrés, à la demande du seigneur local, Naoshige Nabeshima.
Une petite histoire d’Okawachiyama
En 1616, la découverte du gisement d’Arita permet à l’archipel de développer sa propre production de porcelaine, et donc de s’affranchir de l’importation chinoise. Le savoir-faire des artisans coréens est si précieux que les descendants du clan Nabeshima décident de rassembler les meilleurs céramistes dans un village isolé. C’est ainsi que naît Okawachiyama, aux alentours de 1700. L’endroit est étroitement surveillé, et les voyageurs fouillés à la sortie, afin d’éviter que les secrets de fabrication de la porcelaine dite « Nabeshima » ne soient divulgués à la concurrence.
Situé sur les hauteurs d’Imari, le village d’Okawachiyama conserve de nombreux vestiges de cette histoire singulière. Il abrite notamment dans son cimetière un grand nombre de tombes atypiques, de formes pyramidales et ornées de porcelaine. Ce sont celles des premiers artisans coréens qui finirent leurs jours dans la préfecture de Saga. On y croise également de nombreux vestiges de fours anciens. Ces derniers côtoient les installations plus récentes, la production ne s’étant jamais arrêtée depuis plus de 300 ans. L’ancien poste de garde, quant à lui, est toujours visible au sein du parc Nabeshima Hanyo.
La porcelaine Nabeshima
Réservée à l’élite du shogunat, la porcelaine Nabeshima (ou Nabeshima-yaki) acquiert rapidement ses lettres de noblesse au Japon et à travers le monde. Durant l’époque Edo, ses conditions de fabrication sont régies par une règlementation très stricte, et seules les pièces parfaitement réalisées sont conservées. Ce n’est plus forcément le cas de nos jours: les céramiques présentant de légers défauts sont généralement commercialisées à prix réduit, et exposées en vrac à l’entrée des boutiques.
La porcelaine Nabeshima se décline en plusieurs styles, dont le plus représentatif est le Iro Nabeshima, qui utilise quatre couleurs (bleu cobalt, jaune, vert et rouge). Deux cuissons sont nécessaires pour appliquer l’ensemble de ces couleurs. Le bleu cobalt est l’unique couleur de la porcelaine Nabeshima Sometsuke. Le style Nabeshima Seiji, enfin, se caractérise par un élégant glaçage à dominante vert céladon. C’est le style que je préfère.
Assiettes, théières, bols, tasses à thé… À Okawachiyama, on peut se procurer des céramiques de toutes sortes, de toutes tailles et accessibles à toutes les bourses. Mais la star locale est incontestablement le fûrin, cette clochette estivale qui tinte doucement sous la brise.
Chaque été, du 20 juin au 31 août, un festival lui est dédié à Okawachiyama.
Excursion à Okawachiyama
Depuis la gare d’Imari, il faut 15 minutes en bus pour rejoindre le village d’Okawachiyama, à environ 6km. On atterrit alors à proximité d’un petit musée, le centre d’artisanat traditionnel Imari-Arita Ware. Le cimetière, situé juste en face, borde la route et un cours d’eau surplombé par un pont entièrement décoré d’une mosaïque en porcelaine, le Nabeshima Hankamabashi (litt. « pont du four féodal de Nabeshima »). Ce dernier conduit directement à la rue principale, qui grimpe à flanc de colline jusqu’aux abords du parc Nabeshima Hanyo.
Un village dédié à la porcelaine
Une visite d’Okawachiyama s’apparente un peu à un jeu de piste. L’endroit n’est pas immense, mais regorge de petits clins d’oeil au travail de la céramique, comme ce plan à l’entrée du village, entièrement réalisé en porcelaine. Au fil de la balade, on se surprend à observer le moindre détail insolite, ou à scruter le sol jonché de petits tessons de céramique. La porcelaine sert en effet à décorer à peu près tout: ponts, murs, panneaux routiers, tombes, sculptures…
Tandis qu’Imari est une ville moderne, sans grand charme, Okawachiyama est l’exact opposé. Avec ses maisons anciennes, ses vieux fours en pierre et ses ruelles étroites, le coeur du village est le lieu idéal pour flâner, à l’ombre des hautes cheminées de brique rouge. Le paysage de montagnes boisées ajoute encore davantage de charme à ce décor rustique.
Partout dans les environs, on croise évidemment des boutiques de porcelaine, dont les étagères et les vitrines débordent de créations variées. Chacune possède généralement son « coin des bonnes affaires », où sont mises en vente les céramiques présentant de légers défauts de fabrication. Certaines boutiques possèdent également leur propre salon de thé.
Combien de temps passer à Okawachiyama ?
Malgré toutes ces curiosités, Okawachiyama se visite relativement vite. Une demi-journée suffit à en faire le tour, en incluant un passage dans le vieux cimetière coréen, et une promenade dans le parc Nabeshima Hanyo. Les amoureux d’artisanat, quant à eux, pourront bien-sûr prolonger la visite par de longues séances de shopping dans les échoppes de porcelaine. Le centre d’artisanat traditionnel propose également quelques ateliers et démonstrations. Pour en savoir plus, pensez à contacter l’office de tourisme en amont de votre séjour. Enfin, veillez bien à ne pas rater le dernier bus de la journée. Il n’y en a pas beaucoup, et selon la période de l’année, les transports s’arrêtent de circuler relativement tôt dans la campagne japonaise.
Bus Saihi depuis la gare d’Imari (4 bus par jour)
Plus d’informations sur www.imari-ookawachiyama.com
Mise à jour : décembre 2021