Nagasaki

Shimabara et son charmant quartier des carpes

Il y a bien longtemps que je n’ai pas publié de récit de voyage à Nagasaki, et je dois avouer que ça me manquait. Nagasaki est en effet une préfecture très chère à mon cœur. J’y ai voyagé à deux reprises, et j’ai découvert une destination atypique, pétrie d’influences diverses. À la croisée de l’Orient et de l’Occident, la région m’a enchantée ! Lors de mon premier passage, en novembre 2017, je m’étais contentée de visiter la ville de Nagasaki et je rêvais de revenir pour poursuivre l’exploration de la préfecture. En 2024, je me suis cette fois concentrée sur la péninsule de Shimabara, ainsi que sur la région d’Isahaya.

Nichée entre le mont Unzen et la mer d’Ariake, la cité historique de Shimabara est ce qu’on appelle une ville-château ou jokamachi. Elle s’est en effet développée à partir de 1618 autour d’un château érigé à l’initiative du clan Matsukura, qui dirigeait la région d’une poigne de fer au début de l’époque Edo. Autant vous le dire tout de suite, l’histoire de la ville n’est pas de tout repos ! Entre rébellion, répression sanguinaire et éruptions dévastatrices, Shimabara revient de loin, et son château aussi.

Le château de Shimabara

L’histoire du château de Shimabara est indissociable de celle du clan Matsukura. Bâti entre 1618 et 1624, l’édifice, bien trop grand, reflète l’ambition d’une famille dont on retient surtout la cruauté. Au bord de la ruine, Matsukura Shigemasa impose de lourdes taxes à la population. Son fils Matsukura Katsuie va jusqu’à torturer et immoler par le feu les paysans récalcitrants. Cette répression violente, alliée à la persécution des chrétiens, entraîne en 1637 la rébellion de Shimabara. Le château est assiégé mais demeure intact. Un an plus tard, le clan Matsukura sort vainqueur de la révolte. Le shogun ordonne cependant à Matsukura Katsuie de se suicider, afin de le punir pour sa mauvaise gestion du domaine. Par la suite, le château de Shimabara passe successivement aux mains des clans Kôriki, Matsudaira, Toda et de nouveau Matsudaira. La région se stabilise, mais un nouveau malheur approche à grands pas.

En 1792, l’éruption du mont Unzen provoque l’effondrement d’un pan de montagne entier, ainsi qu’un tsunami qui touche la préfecture voisine de Kumamoto. Plus de 15.000 personnes perdent la vie dans cette catastrophe considérée comme la plus meurtrière éruption de l’histoire du Japon. Le château survit au désastre. Finalement, ce n’est pas la guerre ni la nature qui auront raison du château de Shimabara, mais les ravages du temps. Comme de nombreux autres donjons, il est abandonné et démantelé en 1876, pendant la Restauration de Meiji. L’édifice visible aujourd’hui est donc une reconstruction en béton, datant de 1964. Seuls les murs de pierre et le fossé entourant la structure sont d’origine.

Un édifice atypique

Je dois l’avouer, ce qui m’a frappé d’emblée lors de ma visite est surtout la présence d’un parking au pied du donjon. Je n’avais jamais vu ça ! En-dehors de ce choix esthétiquement douteux, la reconstruction est très réussie, y compris celle des tourelles (yagura) qui jalonnent le pourtour des fortifications. Le donjon en lui-même (ou tenshu) mesure 33m. Il abrite en son sein un musée retraçant l’histoire des chrétiens cachés de Nagasaki, ainsi que l’épisode de la rébellion de Shimabara. Au sommet, l’observatoire offre une vue superbe sur le mont Unzen et sur la mer d’Ariake, avec la préfecture de Kumamoto en toile de fond.

Les alentours du château, enfin, abritent plusieurs œuvres du sculpteur Seibô Kitamura (1884-1987). Le créateur de la statue du parc de la Paix de Nagasaki est en effet originaire de la ville voisine de Minamishimabara. Un petit musée commémoratif lui est également consacré.

Le quartier de samouraïs de Bukeyashiki

Comme la plupart des villes-châteaux, Shimabara possédait autrefois un quartier de samouraïs. On peut toujours en admirer quelques vestiges aujourd’hui. Le meilleur endroit, nommé Bukeyashiki, se situe à une dizaine de minutes à pied du château. Il se résume à une longue rue bordée de murs de pierre envahis par le lichen. Une étroite rigole la coupe en deux, dans laquelle s’écoule un petit ruisseau.

Quelques maisons du quartier sont accessibles au public. Parmi elles figurent les résidences Yamamoto-tei (photos ci-dessus) et Shinozuka-tei. L’endroit n’est guère immense mais complète à merveille la visite du château.

Si Shimabara m’a laissé un si beau souvenir, ce n’est pas seulement pour son patrimoine historique. Le jour de ma visite, le temps était superbe et j’ai donc pris le temps de flâner le long du petit cours d’eau situé au sud du château, parmi les champs de fleurs offrant une vision bucolique. Le cadre était si champêtre que j’en ai presque oublié que j’étais en ville.

La vision du mont Unzen au loin reste aussi pour moi un magnifique souvenir. Difficile d’imaginer la fureur destructrice dont il est capable, quand on le voit si calme et serein dans son écrin de nature. C’est pourtant bien l’un des volcans les plus dangereux de l’archipel qui se tient là, sous mes yeux. D’ailleurs, sa dernière éruption majeure n’est pas si ancienne. Elle remonte à juin 1991, avec un lourd bilan de 43 morts. Mais aussi redoutable qu’il soit, le mont Unzen apporte aussi son lot de bienfaits. De nombreuses sources chaudes jaillissent en effet de ses entrailles, ainsi que des sources d’eau pure qui font le bonheur des locaux. Depuis 2008, la région fait partie du Géoparc mondial UNESCO de la péninsule de Shimabara.

Koi no Oyogu machi, le quartier des carpes

On dit que Shimabara compterait plus de 60 sources d’eau potable, d’où son surnom de « ville de l’eau ». À 15 minutes de marche du château, Koi no Oyogu machi témoigne de cette réalité. Ce charmant quartier doit son nom à ses petits canaux peuplés de carpes koi. Ces voies d’eau longent d’anciennes demeures remarquablement préservées. On y vient pour observer les poissons multicolores, visiter le petit jardin Yuusui-Teien Shimeisô et déguster des kanzarashi, une délicieuse confiserie locale.

C’est en juillet 1978 que les habitants de Shimabara ont commencé à relâcher des carpes dans les cours d’eau. Leur objectif était alors de générer de l’attractivité, et le pari a fonctionné. Aujourd’hui cette tradition perdure, pour le plus grand bonheur des enfants qui aiment à tremper leurs pieds dans l’eau fraîche en été.

Yuusui-Teien Shimeisô, la « maison de l’eau »

La plus célèbre attraction de Koi no Oyogu machi est Yuusui-Teien Shimeisô. Cette belle demeure agrémentée d’un jardin reconnu monument national a été bâtie au début du 20e siècle par le médecin Genzo Ito. L’entrée ne coûte que 400¥.

C’est un moine bouddhiste zen qui aurait conçu ce jardin au début de l’ère Showa. On ne peut que saluer l’harmonie qui s’en dégage. La pièce maîtresse de cet ensemble est bien-sûr l’étang qui borde la maison. On dit qu’il serait alimenté par près de 3000 tonnes d’eau de source chaque jour. Ce plan d’eau est sublimé par une végétation savamment mise en valeur, faite de pins rouges, d’érables et de mousses. J’ai passé un très agréable moment de détente sur ses berges, à observer les carpes dorées et les iris en pleine floraison, tout en sirotant un thé chaud gracieusement offert.

Le bâtiment, quant à lui, est une belle construction en bois à l’atmosphère épurée. Sa pièce principale, inspirée par l’esthétique des pavillons de thé traditionnels, est de style sukiya-zukuri. Lors de votre visite, prêtez également attention à la porte d’entrée du jardin. Surplombée par un toit en écorce de cèdre, elle est reconnue bien culturel tangible, tout comme la maison.

Koi Cafe Yusui-kan

Visiter le jardin Yuusui-Teien Shimeisô permet d’obtenir une réduction au salon de thé Koi Cafe Yusui-kan, situé à quelques mètres. Je me suis donc rendue sur place afin de goûter à une spécialité qui me faisait de l’œil, les fameux kanzarashi de Shimabara.

Ce dessert typique se présente sous la forme de dango (boulettes à base de farine de riz) baignant dans un sirop léger. J’ai opté pour un assortiment de trois variétés : kanzarashi traditionnels, au fruits rouges et citron-menthe. Un véritable délice, ultra rafraîchissant.

Et aussi…

S’il vous reste un peu de temps après toutes ces aventures, ne manquez pas de faire un détour par les quartiers de Teramachi et Shirachimachi, où se trouvent de nombreux temples et l’église catholique de Shimabara, qui mérite le coup d’œil. Un détour par le cimetière du temple Kôtô-ji est également recommandé pour rendre visite au bouddha couché de Shimabara. De là, vous pourrez retourner vers la gare en remontant la rue commerçante couverte Shimabara Ichibangai.

La promenade s’achève ici. Que dire de plus, si ce n’est que Shimabara est une belle découverte, que je vous recommande chaudement, en particulier si vous voyagez à Nagasaki à la belle saison. La visite des lieux va de pair avec celle des Enfers d’Unzen, de quoi organiser un mémorable séjour.


Depuis Nagasaki, ligne JR Nagasaki jusqu’à Isahaya, puis ligne Shimabara Railway (descendre en gare de Shimabara, la plus proche du château)


Bus Shimatetsu depuis les Enfers d’Unzen (environ 45 min de trajet), Nagasaki et Fukuoka


Kyusho Ferry ou Kumamoto Ferry depuis le terminal maritime de Kumamoto (possibilité de navette gratuite depuis la gare JR Kumamoto, se renseigner auprès de l’office de tourisme en gare)

2 commentaires

  • Tsubaki

    Bel article sur une ville que je connaissais pas du tout ! Hâte de lire la suite de ton voyage à Nagasaki.

    Je découvre ton blog et c’est vraiment une mine d’or !

    Bonne continuation

    • Passeport Japon

      Ouah, merci beaucoup pour ce gentil message qui fait méga plaisir !!! 🙂 Eh oui, Shimabara est une très belle destination mais pas forcément hyper connue. Trop contente de pouvoir partager mon ressenti sur ce lieu où j’ai passé une journée mémorable. Les prochains articles sur Nagasaki sont en chantier, je n’ai pas de date de publication à annoncer car beaucoup de contenus en attente, notamment sur Shikoku. Mais ça arrive 😉

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