Temples et sanctuaires

À la rencontre du Japon sacré

Quand on voyage au Japon, on croise forcément de nombreux temples et sanctuaires. Il faut dire qu’il y en a beaucoup: l’archipel compterait plus de 80 000 sanctuaires shinto de toutes tailles, et pas moins de 70 000 temples bouddhistes. De quoi apprécier à sa juste valeur l’incroyable richesse de la spiritualité japonaise. Vous craignez de confondre sanctuaires shinto et temples bouddhistes ? Pas de panique, toutes les informations utiles sont ici…

Certains complexes religieux japonais sont si emblématiques qu’il est presque impensable de ne pas les visiter lors de son voyage au Japon. Dans cette catégorie, on peut évoquer par exemple le temple Senso-ji à Tokyo, le Kiyomizu-dera à Kyoto, ou le mythique sanctuaire Itsukushima à Miyajima. Pour autant, la spiritualité est partout au Japon, et se limiter à ces lieux serait dommage. De nombreux temples et sanctuaires plus modestes méritent également d’être découverts. 

La religion au Japon

La spiritualité tient une place très importante dans la vie des Japonais. Prières et cérémonies religieuses rythment le quotidien, et la frontière entre les religions est bien moins étanche qu’en Occident. Il n’est pas rare, en effet, de voir un même individu se marier au sanctuaire, et choisir se faire enterrer selon les rites bouddhistes.

Aux racines du shintoïsme

Le shintoïsme est la plus ancienne religion du Japon, pratiquée par plus de la moitié de la population de l’archipel. Son histoire est si ancienne qu’on en ignore les véritables origines, estimées par certains historiens à la fin de l’ère Jômon. Les shintoïstes croient aux forces de la nature, incarnées par des divinités appelées kami. Il existerait au Japon plus de 8 millions de kami. Dans un pays régulièrement soumis à d’innombrables catastrophes naturelles (séismes, typhons, éruptions volcaniques, tsunami), les kami incarnent une force protectrice, qu’il faut craindre et respecter.

Ema au sanctuaire Hakuto-jinja, préfecture de Tottori

Les mythes fondateurs du shintoïsme figurent dans le plus ancien recueil de contes japonais, le Kojiki, datant de 712. Ce livre fait notamment de l’Empereur du Japon le descendant de la déesse du soleil, Amaterasu, elle-même fille du couple fondateur de la cosmogonie japonaise, Izanami et Izanagi. Tout au long de son histoire, le shintoïsme verra apparaître de nombreuses croyances de cette nature, l’une des plus célèbres étant celle de Namazu. Ce gigantesque poisson-chat vivrait dans les profondeurs de la terre. C’est lui qui, en s’agitant, serait responsable des nombreux séismes qui frappent le Japon.

L’influence du bouddhisme venu de Chine

Le shintoïsme restera longtemps la seule religion pratiquée au Japon, jusqu’à l’arrivée au 5e siècle du bouddhisme, venu de Chine et de Corée. Cette nouvelle religion repose sur la croyance en la réincarnation. Prisonnier d’un cycle sans fin, chaque individu peut espérer se libérer en atteignant l’Éveil spirituel, via notamment la pratique de la méditation et de la prière. Le bouddhisme impliquant également le respect de toute forme de vie, les pratiquants sont invités à ne pas tuer ou consommer d’êtres vivants.

Au fil des siècles, le bouddhisme se diffuse largement au sein de l’archipel nippon, se mêlant petit à petit au shintoïsme. Plusieurs écoles bouddhistes naîtront au Japon. Parmi elles, on peut citer la secte Shingon fondée par le célèbre moine Kôbô Daishi (ou Kûkai), ainsi que le bouddhisme Zen.

Jizô au cimetière Okunoin, Koyasan, préfecture de Wakayama

La coexistence des deux religions ne pose guère de problème jusqu’aux années 1870, où le gouvernement japonais tente de séparer les différents cultes. À cette occasion, le shintoïsme devient officiellement religion d’état. Il perd ce statut en 1945, lorsque l’Empereur Hirohito annonce publiquement renoncer à ses origines divines.

L’arrivée des missionnaires chrétiens

Cas particulier dans ce paysage bienveillant, le christianisme arrive au Japon bien plus tard que le bouddhisme, en 1549, par l’intermédiaire de missionnaires espagnols et portugais. Très vite, les autorités japonaises voient d’un très mauvais oeil son développement. Les persécutions débutent en 1587, et ne cesseront officiellement qu’en 1873, forçant les pratiquants à vivre leur foi en cachette. C’est ainsi que naît au Japon une branche très singulière du christianisme, mêlant influences shintoïstes et bouddhistes notamment, appelée kakure kirishitan (« christianisme caché »). De nos jours, le christianisme représente environ 2 millions de Japonais.

Comment reconnaître un sanctuaire shinto ?

En japonais, le mot « sanctuaire » se prononce jinja. Le shintoïsme étant fortement lié à la nature, les sanctuaires sont généralement bien intégrés à l’environnement qui les entoure. Ils peuvent être très colorés, avec une dominante rouge vermillon. Leur taille est parfois immense ou au contraire minuscule. L’enceinte du Fushimi Inari Taisha, par exemple, couvre une montagne entière.

Le torii, symbole incontournable du shintoïsme

Un sanctuaire shinto est un lieu de culte dédié à un (ou plusieurs) kami protecteur. Pour le reconnaître, c’est très simple: son enceinte est délimitée par la présence d’un torii (grand portail de bois) généralement de couleur rouge.

Considéré comme un passage vers le monde des esprits, le torii ne doit jamais être traversé en son milieu, un honneur réservé aux divinités. Il n’est d’ailleurs pas rare de voir des Japonais s’incliner avant de passer sous un torii, en signe de respect.

Dans certains sanctuaires, le torii majeur est situé au milieu d’un plan d’eau. On parle alors de torii flottant (ryôbu torii). Le plus célèbre de ces torii est bien-sûr celui du sanctuaire Itsukushima à Miyajima, mais il en existe un peu partout au Japon. 

Senbon Torii, Fushimi Inari Taisha, Kyoto

Certains sanctuaires ont la particularité d’abriter un très grand nombre de torii. Ce sont les sanctuaires dédiés à Inari, le kami des récoltes. Le Fushimi Inari Taisha de Kyoto est le plus grand et le plus célèbre d’entre eux. Il abrite environ 3400 torii, bien que la légende prétende qu’il y en aurait 10 000.

Les différents bâtiments du sanctuaire shinto

À l’intérieur du sanctuaire shinto, on croise également des bâtiments qui ont chacun leur utilité, à commencer par le temizuya, petit pavillon abritant une fontaine dédiée à la purification.

Fontaine de purification, Okunoin de Koyasan, préfecture de Wakayama

Le honden, quant à lui, est le bâtiment principal, généralement isolé du commun des mortels par un édifice plus grand, le haiden. Celui-ci abrite un autel surmonté d’une cloche permettant de prier, après avoir laissé une offrande à la divinité du sanctuaire. Le haiden est souvent gardé par deux statues de lions gardiens, appelées komainu.

Le petit bâtiment abritant la boutique du sanctuaire se nomme shamusho. C’est là que l’on peut acheter des amulettes protectrices, des prédictions (omikuji) ou des tablettes votives (ema). Différents supports disséminés dans l’enceinte du sanctuaire permettent de suspendre les ema ou d’accrocher les omikuji négatifs, pour conjurer le mauvais sort. Enfin, on croise parfois dans le sanctuaire un élément entouré d’une corde tressée en paille de riz. Il peut s’agir d’un arbre, d’un rocher… Cette corde, appelée shimenawa, sert à délimiter la demeure temporaire d’un kami (ou yorishiro).

Rituels au sanctuaire shinto : mode d’emploi

Comment se purifier au temizuya ?

Pour se purifier comme il se doit, on utilise un hishaku, sorte de petite louche plate, en plastique ou en bambou. On commence par se laver la main gauche, puis la main droite, et enfin la bouche (attention, en utilisant sa main et non le hishaku!). L’eau ne doit pas être avalée, on la recrache aussitôt. Enfin, on repose la louche en la présentant verticalement, pour que l’eau coule le long du manche.

Depuis la pandémie de Coronavirus, la présence d’un hishaku n’est plus systématique dans les temples et sanctuaires, la purification se limitant à un rinçage rapide des mains.

Comment prier dans un sanctuaire shinto ?

Pour prier au sanctuaire, quelques règles simples sont à observer. On commence par déposer une offrande (une pièce de monnaie) dans la caisse prévue à cet effet (généralement située devant l’autel), avant de faire sonner la cloche. On s’incline ensuite deux fois, puis on tape deux fois dans les mains (pour attirer l’attention de la divinité du sanctuaire). Enfin, une fois la prière terminée, on s’incline une dernière fois. 

Qu’il s’agisse de prier au sanctuaire ou au temple, l’acte doit bien-sûr être sincère. 

 

Comment reconnaître un temple bouddhiste ?

Appelés otera en japonais, les temples bouddhistes sont des lieux généralement plus austères que les sanctuaires shinto… mais néanmoins très agréables à visiter pour leur calme apaisant. Leur style épuré répond à l’idéal de simplicité et de renoncement prôné par le bouddhisme. Ce qui n’empêche pas certains temples prestigieux d’afficher des ornements d’une richesse impressionnante !

L’organisation des temples bouddhistes

Tout comme pour les sanctuaires shinto, une porte marque la limite du temple bouddhiste. Baptisée sômon, cette dernière est plus massive que le torii. Son style est tellement différent qu’il est absolument impossible de les confondre! Une fois l’entrée franchie, on tombe généralement sur un pavillon appelé Niômon, abritant deux statues de guerriers au regard menaçant (ou niô). Parfois, le Niômon possède également en son centre une énorme lanterne.

Hozomon au temple Senso-ji, Asakusa, Tokyo

Le butsudô est le bâtiment principal du temple. Il occupe une cour dotée d’un jôkoro, énorme vase destiné à accueillir les offrandes d’encens purificateur. Le temple peut également abriter une pagode (au nombre d’étage toujours impair), destinée à abriter les reliques, ainsi qu’un clocher appelé bonshô. La boutique du temple, quant à elle, occupe un pavillon appelé « bureau du temple », qui sert également à assurer la gestion des lieux au quotidien. Enfin, on trouve dans la plupart des grands complexes bouddhistes un cimetière peuplé de jizô. Ces statues, que les fidèles habillent de vêtements chauds en hiver, protègent les enfants disparus.

La statuaire bouddhique

La présence de très nombreuses statues est un élément qui distingue fortement les temples des sanctuaires. Ces sculptures leur donnent un aspect très minéral. Le temple Daisho in de Miyajima, par exemple, abriterait entre 2500 et 3000 statues, disséminées dans son enceinte. C’est un cas extrême, mais assez révélateur de l’esthétique de ces temples.

Daibutsu de Kamakura, préfecture de Kanagawa (Kantô)

La représentation de Bouddha et de ses disciples est évidemment incontournable. Certains temples abritent même de gigantesques statues de Bouddha, appelées daibutsu. Les bodhisattva (êtres ayant renoncé à l’Éveil pour guider les croyants) figurent également parmi les thèmes de prédilection de la statuaire bouddhique.

Prier au temple bouddhiste

La prière bouddhiste est assez similaire à la prière shinto, à un détail près : on ne tape pas dans les mains pour attirer l’attention des divinités. Les temples bouddhistes disposent aussi, très souvent, de gros chapelets de prière que l’on actionne en priant. L’offrande typique est l’encens, aux vertus purificatrices. Il n’est d’ailleurs pas rare de voir de nombreux japonais groupés autour du jôkoro, attirant vers eux la fumée de l’encens par de grands gestes de la main.

Temples et sanctuaires japonais partagent tout de même quelques similitudes. Ainsi, on trouve dans les deux cas des prédictions et des tablettes votives en boutique. De plus, la plupart des temples et sanctuaires proposent, moyennant 300 à 500¥ en général , de repartir avec un goshuin. Il s’agit d’une calligraphie porte-bonheur, marquée du sceau du lieu de culte visité. On peut acheter la calligraphie seule, ou acquérir un carnet spécial appelé goshuin-chô (entre 1000 et 2000¥), pouvant contenir une quarantaine de goshuin. Le goshuin constitue un très précieux souvenir de voyage.

Dormir dans un temple au Japon

Au Japon, certains temples ouvrent leurs portes aux voyageurs, offrant une expérience particulièrement immersive. On appelle ces temples hôteliers des shukubo. Les shukubo sont généralement concentrés autour de sites importants, comme par exemple à Koyasan.

Si le confort de ces hébergements est parfois spartiate, dormir dans un shukubo permet de partager le quotidien des moines, entre cérémonie matinale, séances de méditation et cuisine végétarienne (shojin ryôri).

La tradition des matsuri

Le mot matsuri désigne, à l’origine, l’ensemble des cérémonies shinto. Son sens s’est aujourd’hui élargi à l’ensemble des fêtes traditionnelles japonaises. Ces dernières sont presque toujours liées aux cultes religieux shintoïste et bouddhiste. Elles peuvent être impressionnantes, comme en témoignent les 3 principaux matsuri du Japon: le Takayama matsuri (14-15 avril et 9-10 octobre), le Kyoto Gion matsuri (en juillet) et le Chichibu Yomatsuri (le 3 décembre).

Si les matsuri sont très nombreux et divers, la plupart comportent a minima une procession, durant laquelle un sanctuaire portatif appelé mikoshi, parade à travers les rues. Musique et danses l’accompagnent, au son des instruments traditionnels japonais. Des stands de jeux et de street food (yatai) sont installés partout dans les environs, tandis qu’un feu d’artifice (hanabi) est bien souvent organisé pour clôturer la fête.

Ces événements sont aussi l’occasion pour les Japonais de porter kimono et yukata, ainsi que des tenues plus folkloriques pour les participants du défilé. Notez que la saison privilégiée pour profiter des matsuri est l’été.

Les grands pèlerinages japonais

Parmi les grandes traditions religieuses nipponnes, les pèlerinages occupent une place singulière. Il en existerait plus d’une centaine dans l’archipel. Le plus connu d’entre eux est sans conteste le pèlerinage de Kumano Kodo, désigné Patrimoine Mondial par l’UNESCO en 2004, sous le nom de « Sites sacrés et chemins de pèlerinage dans les monts Kii ».

Plus d’informations sur
fr.visitwakayama.jp

Un autre pèlerinage célèbre est le pèlerinage des 88 temples de Shikoku, qui parcourt près de 1400km à travers les préfectures d’Ehime, Kagawa, Kochi et Tokushima. Il est réputé très difficile, si bien que de nombreux pèlerins n’hésitent pas à délaisser la marche sur les étapes de montagne les plus ardues.

Plus d’informations sur
shikoku-tourism.com

Trois autres grands pèlerinages méritent aussi d’être cités ici : le pèlerinage de Shodoshima, celui des 34 temples de Chichibu, et enfin celui des 33 temples de Bando Kannon, l’un des plus importants de la région du Kantô.

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