Mie

Une journée à Toba

À la pointe de la péninsule d’Ise-shima et à peine 10 km du grand sanctuaire d’Ise, Toba est une modeste ville de pêcheurs bordant la baie d’Ise. Berceau de la perliculture et autrefois symbole du tourisme de masse en préfecture de Mie, la station balnéaire se réinvente aujourd’hui grâce à l’écotourisme. Récit d’une journée découverte, entre balade sur le port et croisière en mer.

À l’image de l’huître perlière qui a fait sa renommée dans le monde entier, Toba est une destination qui cache bien son jeu. Desservie par deux lignes de train (la Kintetsu Toba et la JR Sangu passant par Meoto Iwa), la ville portuaire ne paie pas de mine au premier regard. Son architecture vieillissante et ses nombreux édifices à l’abandon contrastent avec l’image pittoresque que l’on prête à la péninsule d’Ise-Shima

La renaissance d’une perle du littoral

Les Japonais ont l’onomatopée parfaite pour décrire cette ambiance, l’expression boro boro. Ils l’utilisent pour qualifier tout ce qui est délabré, défraîchi. À son âge d’or, Toba était pourtant une destination très attractive. Touchée de plein fouet par l’éclatement de la bulle économique à la fin des années 80, elle est l’exemple même de ces villes prises d’assaut par le tourisme de masse, et finalement victimes de la crise. 

Pourtant, sous cette coquille peu reluisante, Toba cache des trésors insoupçonnésNichée entre une splendide baie et les reliefs boisés du mont Asama, la ville portuaire recèle de nombreux trésors. La mer y offre autant de paysages sublimes que de délices culinaires. Et tandis que l’économie locale tourne principalement autour de la pêche, Toba a su préserver et valoriser une précieuse tradition locale : celle des pêcheuses ama. Témoins des conséquences du réchauffement climatique sur les fonds marins, celles-ci sont d’ailleurs l’un des moteurs de l’attrait local pour le tourisme responsable.

À la découverte du port de Toba

Me voici donc de bon matin à Toba, sous un ciel plutôt clément. Mon hôtel étant situé sur les hauteurs de la ville, l’excursion démarre à pied dans les ruelles bordant Honmachi-dori, un quartier pittoresque aux jolies façades fleuries. 

Déjà dans cette partie de la ville, quelques maisons à l’abandon témoignent de l’histoire mouvementée de la ville mais aussi, sans doute, de la désertification généralisée des campagnes japonaises.

On croise dans les environs quelques restaurants et boutiques, un petit musée dédié à l’auteur de romans policiers Edogawa Ranpo et l’ancienne maison du médecin et poète Irako SeihakuSi vous cherchez une bonne adresse pour manger à Toba, je vous recommande au passage l’izakaya Kyûbei, où vous passerez à coup sûr un agréable moment.

La maison d'Irako Seihaku à Toba.

Honmachi-dori mène aux abords de la gare JR Toba, à deux pas d’un grand torii. La zone portuaire commence ici, dans ce fameux décor boro boro qui se poursuit aux abords de la gare Kintetsu. Celle-ci contraste beaucoup avec la gare JR voisine, qui semble presque à l’abandon. Aucun doute : à Toba, c’est la compagnie privée Kintetsu qui a remporté la bataille du rail ! 

Une statue de Mikimoto Kokichi (dont nous reparlerons un peu plus loin) se dresse sur le parvis de la gare Kintetsu. Non loin de là, une place décorée d’une grande fontaine ornée de statues de dauphins abrite un ashiyu (bain de pied public) et un petit marché couvert. C’est aussi ici que se trouve la plaque d’égout Pokemon de Toba. 

Du terminal maritime à l’aquarium de Toba

Marcher de bon matin aux abords du terminal maritime est une agréable façon de s’imprégner de l’atmosphère de Toba. La vue sur la baie et ses îles y est magnifique. Il règne en ces lieux comme une atmosphère de bout du monde, sereine et apaisante. 

La ville de Toba inclut un chapelet de petites îles, dont quatre habitées : Sakatejima, Sugajima, Tôshijima et Kamishima. On peut y accéder en bateau via le réseau municipal de ferries, qui sillonne la région depuis le terminal maritime. Quelques bateaux touristiques y accostent également, parmi lesquels le Ryûgû-jô, qui assure la liaison vers l’île aux perles de Mikimoto et l’île aux dauphins de Hinata.

L'impressionnant Nippon Maru.

Pour les liaisons maritimes vers le cap Irago à Aichi, un autre embarcadère se situe non loin de l’île aux perles de Mikimoto et de l’aquarium de Toba. Il est géré par Isewan Ferry. Le jour de ma visite, un imposant bateau de croisière appartenant à cette compagnie était ancré dans la baie, le Nippon Maru. Mis en service en 1990, cet impressionnant bâtiment de près de 25000 tonnes peut accueillir jusqu’à 381 passagers.

Je n’ai pas visité l’aquarium de Toba, mais j’avoue en être curieuse. Il s’agit en effet de l’aquarium abritant le plus d’espèces différentes au Japon (1200 espèces pour environ 25 000 pensionnaires). Cette grande diversité reflète la richesse exceptionnelle de la péninsule d’Ise-Shima.

Le tekone sushi du restaurant Nanakoshichaya

Enfin, impossible de quitter le port de Toba sans goûter à la grande spécialité culinaire de la ville : le tekone sushiCe plat, apprécié des pêcheurs locaux depuis l’Antiquité, se compose de tranches de poisson maigre (thon ou bonite) marinées dans une sauce à base de soja et pétries à la main avec du riz vinaigré pour sushi. On peut notamment le déguster au restaurant Nanakoshichaya.

Sur les hauteurs du parc Shiroyama

Dominant le port de Toba, le parc Shiroyama est l’endroit idéal pour profiter d’une vue d’ensemble sur la ville, tout en découvrant son histoire. Le site abrite en effet les ruines du château de Toba, initialement bâti en 1594. Son donjon, achevé en 1633, fut détruit par un séisme en 1854. Il n’en reste aujourd’hui que les fondations.

Le principal attrait du parc Shiroyama est sa vue sur la baie, et notamment la verdoyante île aux perles de Mikimoto. Un immense spot photo « ❤️ Toba », visible de loin, marque d’ailleurs le meilleur point de vue.

L’île aux perles de Mikimoto

Attraction incontournable de Toba, l’île aux perles de Mikimoto est le tout premier endroit au monde où des perles ont été cultivées, vers 1890. Elle doit son nom au pionnier de cette industrie, Mikimoto Kokichi. L’entrée est payante (environ 10€), et on y accède en traversant une longue passerelle abritée de la pluie.

À la découverte de la perliculture

Née à Toba, la perliculture s’est développée à grande échelle dans la baie d’Ago à Shimaau début du XXe siècle. Chaque ferme est constituée d’une structure en bambou fixée sur des flotteurs, à laquelle des paniers contenant les huîtres sont attachés, à 5 ou 6 m de profondeur. Les perles d’Akoya ainsi obtenues sont rondes, de grande qualité et leur couleur varie du blanc (très rare) au rose clair, en passant par des nuances de crème.

Véritable mémorial dédié à Mikimoto Kokichi, Mikimoto Pearl Island abrite un vaste musée de la Perle où l’on peut découvrir l’histoire et les techniques d’élevage d’huîtres perlières développées dans la région. Une zone de boutiques et restaurants baptisée Pearl Plaza permet de s’offrir perles, bijoux et souvenirs précieux. Au sud de l’île, un petit musée retrace la vie de Mikimoto Kokichi, dont la statue trône fièrement sur l’île.

La tradition des ama

L’île aux perles de Mikimoto est aussi connue pour être le théâtre de démonstrations données par des ama. Une plateforme d’observation est spécialement destinée à cette activité très populaire. 

La plateforme d'observation des ama sur l'île aux perles de Mikimoto.

Les ama (litt. « femmes de la mer ») sont des plongeuses en apnée vivant de la pêche aux crustacés, fruits de mer et algues. Leur histoire remonterait à plus de 2 000 ans et n’est pas spécifiquement liée à Toba. Contrairement aux idées reçues, les ama ne sont pas des pêcheuses de perles, mais principalement d’ormeaux. La plupart d’entre elles sont âgées, et il existe même de rares hommes pratiquant ce métier. La culture ama est complexe, faite de traditions, croyances et superstitions. De plus, une législation très stricte entoure cette pratique. Une ama expérimentée peut plonger seule jusqu’à 10 m de profondeur, équipée d’une simple bouée et d’une corde. Aidée d’un pêcheur, elle peut atteindre 20 m. 

Sur l’île aux perles de Mikimoto, les ama sont jeunes et portent la tenue de plongée blanche traditionnelle, afin de correspondre au cliché attendu par les visiteurs. En réalité, la plupart des plongeuses en activité de nos jours préfèrent s’équiper de combinaisons contemporaines en néoprène, plus confortables. Il s’agit donc bien d’un spectacle, qui a toutefois le mérite d’offrir une belle vitrine à cette activité, menacée à la fois par la diminution des vocations et par le changement climatique. 

Plus d’informations sur
www.mikimoto-pearl-island.jp

Croisière en baie de Toba

Pour clore comme il se doit mon périple à Toba, je souhaitais absolument prendre la mer, afin d’avoir un aperçu plus précis de la baie et de ses îles. Je n’ai donc pas résisté à embarquer à bord du Ryûgû-jô, le plus chatoyant navire de la flottille locale !

À bord du Ryûgû-jô

Avec son décor coloré évoquant le conte d’Urashima Tarô, le Ryûgû-jô ne passe pas inaperçu. Son nom est évidemment un clin d’œil au palais du Roi Dragon de la légende. Long de 34 mètres, il s’agit de l’un des trois ferry assurant la liaison entre Toba et l’île aux dauphins, ce qui représente environ 20 minutes de trajet.

Je dois avouer que j’ai choisi ce bateau pour le simple plaisir d’explorer son décor kitsch à souhait. Ce qui ne m’a pas empêché de profiter aussi de la vue sur le chapelet d’îles peuplant la baie de TobaPar beau temps, la croisière dans ce bel environnement est un enchantement. J’aurais aimé avoir le temps d’explorer les îles, ainsi que le sud de la ville plus sauvage.

En effet, Toba ne se limite pas à son port. Celui-ci n’est qu’une infime partie du territoire de la ville, qui s’étend largement au sud-est, le long d’un littoral déchiqueté. J’aurais aimé avoir le temps de visiter cette zone, en particulier le sanctuaire Shinmei-jinja Ishigami-san, où les ama vénèrent depuis les temps anciens une divinité qui exauce le vœu des femmes. J’aurais aussi aimé partager un repas d’ormeaux grillés ou de coquillages fraîchement pêchés avec elles, dans l’une de leurs huttes ama-goya aménagées sur le littoral.

En conclusion, Toba est une destination très riche, plus intéressante qu’il n’y paraît au premier abord. Ne vous fiez pas aux apparences ! Pour dévoiler tous ses trésors, la ville mérite plus d’une journée. Couplée avec la découverte des villes voisines de Shima et d’Ise, on peut sans peine  séjourner dans les environs trois à quatre jours sans s’ennuyer.

Mise à jour : octobre 2023

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